
Notre commune s’appelait autrefois « Le Chemin », ou parfois « le Chemin-en-Brie », un toponyme à rapprocher du « Grand Chemin de Paris », ou chemin ferré, qui traversait le village et menait les pèlerins vers Saint Jacques de Compostelle. L’église est dédiée à Saint Christophe et Saint Jacques, patrons des voyageurs.
Au XVe siècle, Le Chemin (ainsi que Roquemont) est propriété de Pierre POIGNANT, avocat, conseiller au parlement en 1477, seigneur d’Athis, d’Aigremont, de Tillières et d’Archères. L’une de ses sœurs, et héritière, épouse Nicolas VIOLE, conseiller correcteur à la Chambre des Comptes. La seigneurie entre ainsi dans la famille Viole.
Bien qu’il soit fait mention, dès le XIVe siècle, dans un manuscrit des chanoines de l’abbaye de Sainte Geneviève, de terres situées « in via de Guermant » ce n’est qu’au XVIIe siècle que le village prendra définitivement le nom de Guermantes, lorsque Pierre VIOLE, ancien président du Parlement de Paris, et fils de Claude VIOLE qui décida la construction du château, se qualifie de « Seigneur de Guermantes ci-devant Le Chemin ». Décédé en 1667, il repose dans l’église du village.
En 1698 Paulin PRONDRE (1650-1722) achète le château et ses terres. Receveur des Finances de Lyon, puis Grand Audiencier de France et membre de la Chancellerie, il devient Président de la Cour des Comptes en 1713. Son intérêt pour Guermantes ne se démentira pas, il aménage le château au goût du jour et y crée une nouvelle chapelle. En échange, il prend à sa charge la reconstruction de l’église du village, celle que nous connaissons aujourd’hui. Il y sera d’ailleurs inhumé en 1721.
En 1709 on dénombre à Guermantes 44 feux (foyers). En 1726 le village compte 267 habitants.
En 1719, le financier écossais John LAW (1671-1729) achète Guermantes, dont il prend possession fin novembre. Il acquiert la propriété, les meubles et les dépendances pour 800 000 livres. ll goûte en famille à la vie de châtelain pendant quelques mois. Partisan du développement du crédit, contrôleur général des finances de France, il fut le créateur de la compagnie française des Indes. Son système de banque de dépôt et d’escompte devient banque d’émission. L’aventure s’achève par une banqueroute en 1720, par la faute des spéculateurs, et John LAW est contraint à l’exil. Celai permet à Paulin PRONDRE, qui n’a reçu de la vente que 100 000 livres, de faire annuler l’opération. Les meubles, à l’exception de l’argenterie de la Chapelle, sont mis aux enchères et il en rachète la plus grande partie.
En 1745 Guermantes compte 37 feux et 110 communiants.
Paulin-Gabriel PRONDRE (1698-1775), fils de Paulin, se contente d’une vie tranquille entre Guermantes et Paris. En 1750, il achète, avec le titre de marquis, la terre de Ravenel, près de Saint Just en Chaussée dans l’Oise et quitte Guermantes. Le château, délaissé, voit sa bibliothèque ravagée par un incendie en 1756.
En 1789, Guermantes fait partie de l’élection et de la généralité de Paris.
Pendant la Révolution Française, Emmanuel-Paulin-Louis PRONDRE (1775-1800), dernier Comte de Guermantes, se réfugie à l’étranger (Suisse, Italie). Il met son départ sur le compte d’études artistiques afin de ne pas être assimilé aux émigrés, et évite ainsi que Guermantes soit mis sous séquestre et vendu. A son retour il devient élève de l’Ecole du Génie Militaire. Emprisonné de juillet à septembre 1794, il est définitivement radié de la liste des émigrés en janvier 1795. En son absence, le château est occupé par La marquise de XIMENES d’ARAGON, une des nièces de MIRABEAU. Emmanuel-Paulin-Louis PRONDRE regagne Guermantes, mais les bois viennent d’être vendus comme biens nationaux. Il meurt en 1800. Sa veuve épouse le marquis de THOLOZAN. Leur fils Ernest aura pour précepteur François RASPAIL (1794-1878), frais émoulu du séminaire de Carpentras et pas encore gagné aux idées républicaines qui lui vaudront plusieurs séjours en prison.
En 1821 Guermantes compte 200 habitants. Les principales productions du village sont les grains et les fruits (vignes). Le marquis de THOLOZAN et le comte de DAMPIERRE sont propriétaires du château et des fermes.
La Comtesse de DAMPIERRE, alors occupante du château, marque le milieu du XIXe siècle par son humeur fantasque et ses intempérances de langage, à la plus grande joie de ses familiers, dont les frères GONCOURT. Elle surnomme M. MENIER, son voisin de Noisiel, le « Baron Cacao ». En visite à Ferrières en Brie chez le baron de ROTHSCHILD elle déclare « ici c’est la boutique, chez moi c’est le château ! » Et ,lorsque le sermon est trop long, elle lance « Assez curé ! Tais toi curé ! »
La comtesse se préoccupe aussi de l’instruction des jeunes Guermantais. Elle offre un terrain pour bâtir l’école du village.
En septembre 1870, le Marquis de THOLOZAN reçoit au château le Roi de Prusse et futur empereur GUILLAUME 1er d’Allemagne, en séjour à Ferrières. Il appose sa signature sur le livre des visiteurs.
De 1894 à 1903, le village fut la résidence d’Adolphe RETTE (1863-1930), qui y compose plusieurs de ses œuvres, dont « Similitudes » (1885), « Promenades subversives » (1896), « Campagne première » (1897). Poète symboliste, décadent, toxicomane, il fréquente le milieu artistique de Lagny sur Marne, notamment le peintre néo-impressionniste Léo GAUSSON (1860-1944) qui a illustré deux de ses œuvres, et peint de nombreux paysages de Guermantes. Adolphe RETTE développe ses idées anarchistes et libertaires, avant de s’assagir et de se renier.
A la fin du XIXe début du XXe siècle, Guermantes compte, sur ses 126 hectares, une cinquantaine de maisons et sa population oscille entre 150 et 180 habitants, dont 53 électeurs. Le village dépend du bureau de poste de Lagny sur Marne. L’église est desservie par le curé de Gouvernes.
L’économie de Guermantes est assurée par un arboriculteur, un coiffeur, un cordonnier, un maçon, un maréchal ferrant, un matelassier, et un débit de vins-épicerie-mercerie.
Le nom de Guermantes a été immortalisé par Marcel PROUST (1871-1922) dans le 3ème volume d’« A la recherche du temps perdu ». « Du côté de Guermantes » a été publié par Gallimart en 1921. L’écrivain, ami de George de Lauris, intime du petit fils d’une des propriétaires, l’entendait souvent parler de Guermantes. Séduit par la consonance de ce nom qui excite son imagination, Proust obtient de pouvoir « disposer en toute liberté du nom de Guermantes, que je voudrais à la fois illustrer et salir ». Il viendra à Guermantes faire une visite pour remercier les propriétaires de l’avoir autorisé à ajouter aux ombres du passé la noble et altière figure de la Duchesse de Guermantes.
En 1920, la propriété est mise en vente et achetée par un marchand de bois qui commence des coupes dans les hautes futaies. Comme le domaine ne l’intéresse pas, il tente en vain de lancer des projets de lotissements, de maison de repos, d’hôpital. A la fin de la même année, dépouillé de ses meubles et d’une partie de ses arbres, la propriété est rachetée par le banquier Maurice HOTTINGUER, qui lui redonne vie.
En 1930, le village compte 167 habitants, dont 54 électeurs. La vie économique est réduite : un maçon, un maréchal ferrant, et un receveur-buraliste-tabac-cabine téléphonique-débit de vins-épicerie.
Durant la seconde guerre mondiale, le château est réquisitionné par l’armée allemande. Le 20 août 1944, en représailles de l’assassinat d’un soldat, les Allemands décident de brûler le village et de fusiller des otages. Le maire André THIERRY et Madame Blanche HOTTINGUER s’y opposent. Madame Blanche HOTTINGUER, qui a accepté d’être otage, parlemente avec l’officier commandant et parvient à le faire renoncer à cet incendie, sauvant ainsi Guermantes de la destruction.
Après la guerre, la population de Guermantes ne cesse de régresser, avant d’augmenter à nouveau en 1972 avec l’aménagement de l’Est parisien. Le village s’agrandit d’abord avec une partie des maisons du Val Guermantes (l’autre partie étant située à Conches). Viennent ensuite la ZAC des Lilandry, puis celle des Deux Châteaux. Aménagée en douceur, Guermantes veut rester un endroit calme et vert où il fait bon vivre, loin de l’agitation ambiante.